Mont-Joli, le 2 avril 2025
La semaine dernière, le ministre des Finances M.Éric Girard a déposé son 7e budget. Exercice difficile et complexe certes. On dit souvent que le diable est dans les détails et le diable, nous l’avons trouvé jeudi dans la disparition, discrète, d’une ligne dans le budget. Un budget contenant des dépenses de 165,8 milliards…une petite ligne de 19 millions…
Des fois, avec des milliards, on ne fait pas grand-chose. On a juste à penser à Northvolt ou SAAQclic, mais avec 19 millions par année, on faisait des miracles…
Le problème trop souvent avec la politique aujourd’hui c’est que, obnubilé par les colonnes de chiffres, les statistiques, les sondages et les algorithmes, on oublie que derrière il y a des ÊTRES HUMAINS.
Vous m’excuserez ce matin, mais même après presque une semaine je suis encore habité par beaucoup de colère…Beaucoup de colère contre ces politiciens nés avec une cuillère d’argent dans la bouche, qui ne savent pas ce qu’est de devoir aller chercher un panier de denrées alimentaires pour nourrir ses enfants qui ont faim.
Qui ne savent pas ce qu’est d’avoir peur d’Hydro-Québec leur coupe l’électricité parce qu’ils n’ont pas pu payer la facture.
Qui ne savent pas ce qu’est de devoir courir deux, trois jobs au salaire minimum pour réussir à payer les frais et effets scolaires de leurs enfants.
Si je suis en colère, consterné, estomaqué, sous le choc encore aujourd’hui, c’est qu’avec ce 19 millions de dollars, on faisait des miracles !
Des miracles comme permettre à une mère élevant ses trois enfants seule de faire changer son installation septique parce qu’elle contamine son puits et rend l’eau impropre à la consommation.
Des miracles comme permettre à une veuve de faire réparer son système électrique parce qu’il présente des risques d’incendie.
Et l’un de ces miracles, il y a deux personnes qui en attendaient cette année. Ils ont accepté que je les nomme parce que je voulais illustrer concrètement les répercussions de tels choix politiques. Ils s’appellent Julien et Jocelyne, ils ont respectivement 87 et 84 ans. Julien a travaillé toute sa vie au service à la clientèle pour différentes compagnies aériennes. Jocelyne a élevé leurs enfants, s’est impliquée dans la rédaction du feuillet paroissial pendant des décennies, et pour rendre service, gardait les enfants de ce bout de rang le midi, permettant ainsi aux autres parents du coin de travailler l’esprit tranquille et ainsi réussir à s’arracher la vie…
Je les connais bien et j’ai pu constater comment ce sont deux humains extraordinaires. Des parents dévoués, des voisins serviables, des paroissiens impliqués, des citoyens engagés…Encore aujourd’hui, Julien fait des transports bénévoles aux gens qui en ont besoin et Jocelyne s’investit dans son rôle de grand-mère avec sérieux. Ils avaient fait des démarches pour avoir accès au programme RénoRégion, leur objectif étant de prolonger le moment où ils pourraient vivre dans leur petite maison mobile, bordée de champs, qu’ils habitent depuis plus de 55 ans.
Mais ça n’arrivera pas parce que le programme RénoRégion a disparu.
Je parlais de ma colère tout à l’heure et elle est partagée par mes collègues élis de partout au Québec, car ici c’est Julien et Jocelyne, ailleurs ce sont des Sylvie, Mario, Gisèle, etc… ce sont plus de 1 000 personnes qui sont sur des listes d’attentes un peu partout!
La réponse est venue hier du cabinet de la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau : ‘Dans un contexte économique complexe, marqué par des pressions tarifaires croissantes et des défis importants pour les finances publiques. Dans la recherche d’équilibre, des choix doivent malheureusement être faits et le programme n’a pas été reconduit’.
Cette réponse est pour moi une injure, quand j’ai en mémoire les primes de 10 % aux nouveaux cadres de Santé Québec, aux augmentations salariales des députés, aux millions voire milliards qui disparaissent à gauche et à droite! Mais l’insulte est venue dans la journée…La ministre Duranceau nous propose de les mettre dans des logements modulaires…C’est rendu que nous allons maintenant « parquer » nos ‘vieux’! Je peux difficilement imaginer être plus déconnecté de la réalité.
Julien et Jocelyne ont toujours été des citoyens modèles, ils ont payé leurs taxes et impôts, jamais dérangé personne, jamais rien demandé…Aujourd’hui, au crépuscule de leur vie, ils pensaient pouvoir recevoir un petit montant pour effectuer des travaux nécessaires à leur petite maison mobile.
Si je vous ai dit que je les connaissais bien tantôt, c’est que j’étais un de ces enfants qui se faisait garder chez Julien et Jocelyne. Je viens moi aussi de ce milieu où les gens tirent le diable par la queue pour payer les factures, qui dorment mal, car inquiets de ne pas pouvoir faire l’épicerie…
Et si je me suis présenté en politique, c’est principalement pour aider ceux et celles qui sont partis dans la vie avec deux prises au bâton, ceux et celles qui n’ont pas leurs entrées dans les cabinets, ceux et celles qui ont bâti le Québec que l’on a, qui continue, dans l’ombre, à faire fonctionner le Québec d’aujourd’hui. En nous servant notre café le matin, en nettoyant nos bureaux la nuit, en lavant nos parents en CHSLD. Et quand j’entends les discours des politiciens en campagne, j’ai toujours l’impression qu’eux aussi sont concernés par les gens à faible revenu. Mais au-delà des discours, c’est dans les gestes que l’on voit la réelle intention.
Je suis convaincu qu’il n’y a pas de méchant dans cette histoire, juste des gens qui essaient de faire de leur mieux.
Je suis convaincu que mon cri du cœur sera entendu et que Madame Duranceau ou Monsieur Legault trouveront un moyen de renouveler le budget de ce programme. Je serai le premier à applaudir, car un bon leader sait reconnaitre quand il a manqué la cible.
Je termine en vous disant que nous avons tous un Julien et une Jocelyne autour de nous…Et que nous savons trop bien que le monde a besoin de plus ce ces gens-là…
Bruno Paradis, préfet de la MRC de La Mitis
